Journal du frère Vincent d'Irrelius
Troisième jour de Juillet, An cent vingt-sept Après la Chute
Ma main tremble en ce soir fatidique. Le coucher de soleil s'imprime dans les nuages comme le sang du mort entre les pousses vertes du sol. J'appréhende la venue de ma dernière heure, et les lourds battements de mon coeur m'indique qu'elle n'est plus très loin...ou est-ce simplement le bruit des légions de cadavres ambulants, dont les coups violents viennent s'écraser contre la porte de fer qui les sépare de ceux que j'ai promis de protéger.
Oh, Tiria, comment peux-tu laisser de telles ignominies souiller le sol de notre juste fort d'Irrelius ? Les dalles de ta chapelle, d'où j'écris d'une main tremblante mes derniers instants ?
Je m'abandonne à toi, maîtresse de tout ce qui vit. Je sais que tu sauras me guider dans la mort, et que le cauchemar qu'est devenu ce monde sera remplacé, devant mes yeux, par les images qu'a laissé les vieilles histoires de ma grand-mère. Je peux voir les plaines verdoyante du monde de jadis, s'étendant comme une mer sans fin où se baignent des bêtes à la fourrure dorée par les reflets des rayons du soleil.
Comment ce monde à pu sombrer dans l'enfer dans lequel nous vivons ? Cet enfer que je m'apprète à quitter, dans la peur et le sang. Comment un seul homme a-t-il pu faire s'effondrer ce monde si beau, grouillant de vie, et le transformer en un véritable enfer ? Ces légendes qui veulent qu'il ait fait pacte avec des forces démoniaques sont-elle fondées ? Les hordes de morts qui nous assaillent depuis des lunes maintenant me font douter...et je ne crains que ma foi ne soit de taille face à cette vérité.
La grande porte vient de tomber. J'entends les cris en provenance du hall central. Mes amis, je suis désolé de ne pouvoir vous protéger. J'ai peur...j'ai peur d'affronter la mort, de lui faire face, car celà m'obligerait de faire face à la vérité...
Les vivants n'ont plus de place en ce monde...
Les cris se rapprochent de la chapelle...mes frères s'agitent mais je reste ici, et, Tiria, j'espère qu'au travers de tes larmes du saura lire ce dernier message. Je ne sais si il reste d'autres forts comme le nôtre en ce monde, et je ne crains que cette lettre ne soit réservée qu'à ton regard, toi qui donne la vie.
C'est trop tard, maintenant. Je viens d'apprendre que le général Davius est tombé. Les troupes sont désorganisées, mes frères tachés du sang des blessés invoquent ton nom, ô bienfaitrice. Le père Corin rassemble les survivants dans la chapelle. Sa foi est plus forte que la mienne. Je ne veux pas partir. Je n'ai plus la force d'affronter ce monde noir.
Que Tiria garde leurs âmes, et pleure la mienne.